Des enfants palestiniens de Jénine participent aux activités du Freedom Theater.
Jénine, Cisjordanie — Au beau milieu du camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie, le jeu a pris la place de la violence, grâce au Freedom Theatre. Dans la vie des jeunes de cet îlot de culture, le quotidien est maintenant rythmé par des pièces de théâtre, plutôt que par les incursions des chars d’assaut israéliens.
Jénine est une ville du nord de la Cisjordanie, coupée du monde par une série de points de contrôle israéliens. En 2002, durant la deuxième intifada, le camp de réfugiés a été complètement détruit par l’armée israélienne, en représailles aux nombreux attentats suicides originaires de Jénine. Depuis, elle entre quotidiennement dans la ville de 35 000 habitants pour y effectuer des arrestations.
En 2006, le Freedom Theatre est né pour redorer d’espoir le quotidien des Palestiniens du camp. « On espère qu’une nouvelle génération de leaders verra le jour en Palestine, affirme Jonatan Stanczak, le gérant du théâtre, d’origine suédoise. Il s’agit d’être en mesure d’utiliser le théâtre et la créativité comme moyen d’unification pour mener à une troisième intifada basée cette fois sur des valeurs culturelles ».
Résistance multidisciplinaire
En plus des ateliers de théâtre ponctuels, le Freedom Theatre offre maintenant un programme d’art dramatique professionnel de trois ans. Des cours de cinéma, de photo et d’anglais y sont aussi offerts. L’organisme a aussi un site Internet, et publie un magazine.
Depuis deux ans, le responsable des ateliers de photographie et de cinéma, Mustafa Istaite, passe ses journées à transmettre son savoir aux plus jeunes du camp. « Je sais maintenant qui je suis, dit-il. Le théâtre m’a sauvé la vie. Je suis un artiste, mais je ne m’oppose pas aux personnes qui prennent les armes contre Israël. Je marche avec eux, mais moi, mon arme, c’est ma caméra ».
Juliano Mer Khamis est le directeur du Freedom Theatre. Né d’une mère israélienne et d’un père palestinien, il a laissé une carrière d’acteur en Israël pour venir s’établir à Jénine. Sa mère avait fondé un premier théâtre dans les années 1990 à Jénine. Le bâtiment a été détruit par l’armée israélienne durant la deuxième intifada.
« Ces jeunes vivent dans un cercle malsain. Ils ne font que s’amuser avec la violence et la mort. C’est la seule chose qu’ils connaissent. Nous sommes des Palestiniens, nous voulons la liberté et nous voulons un pays. Le théâtre peut former de vrais leaders et forger les bases d’une révolution culturelle ».
— Nabil Al Raee, coordonnateur du programme de théâtre « Je crois que toutes les formes d’art sont une façon de résister, que ce soit à New York, à Tel-Aviv ou à Jénine. Mais il ne faut pas se faire d’illusions : nous ne faisons que du cinéma et du théâtre ».
Ahmad Hossen est l’un des premiers acteurs à avoir participé au Freedom Theatre. Il a vu plusieurs de ses amis tomber sous les balles de l’armée israélienne. « S’il n’y avait pas de théâtre, j’attendrais la mort, confie-t-il. Je n’aurais pas les outils pour exprimer mon histoire et celle de mon camp de réfugiés. Les Israéliens n’aiment pas le théâtre, ils ont peur de ceux qui écrivent et qui s’expriment ».